Rappels : Synthèse et critiques d’articles des ASH de mai 2024, de média social de juillet et d’un article de Didier DUABSQUE.

  1. Analyse des propositions faites pour cette réforme

Catherine Vautrin a annoncé, le 26 avril 2024 dernier, son intention d’engager une refonte des 13 diplômes d’État du travail social : « pour renforcer l’attractivité des métiers du social et médico-social, il faut en finir avec le dogme des diplômes d’État ». Catherine Vautrin, alors ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités du gouvernement ATTAL, a jeté un pavé dans la mare. Il s’agirait, via cet exercice de simplification, de faciliter les passerelles entre les différentes carrières du sanitaire, social et médico-social présentant une proximité professionnelle entre elles. Il s’agirait de mobiliser notamment la validation des acquis de l’expérience (VAE), un dispositif de qualification récemment révisé, qui permettrait à un travailleur en reconversion d’acquérir une certification « bloc par bloc » plutôt qu’en une seule fois dans le cadre d’un cursus classique. Mais, ce n’est pas la VAE qui permet de certifier « bloc par bloc » : la VAE permet d’obtenir tout ou partie d’un diplôme. Ce qui permet de certifier « bloc par bloc » est la délégation de certification faite aux organismes de formation habilités à délivrer la formation. Il convient de rappeler aussi que la VAE n’est pas une formation mais une certification de compétences acquises par l’expérience, ce qui peut donc s’ouvrir aux faisant fonction par exemple. La certification bloc par bloc, c’est la possibilité de venir se former sur une partie seulement des compétences d’un diplôme : la relation éducative, la communication, les politiques sociales etc… D’autre part, qui paie les frais de certification car les financements de ces épreuves diminuent de façon drastique. À ce jour, ces parcours de qualification sont à la charge du candidat qui doit lui-même trouver les sources pour financer cette voie d’accès.

La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) travaille sur une réorganisation, en coopération avec les organismes professionnels, des associations, dont l’ADC, sur la consruction des blocs de compétences pour répondre aux enjeux actuels et futurs.

  • Objectifs de la réforme : La réforme vise à mieux répondre aux besoins actuels de la société en matière de travail social. Elle cherche à harmoniser les formations pour qu’elles soient plus en phase avec les réalités de terrain, tout en garantissant une meilleure reconnaissance des compétences acquises.
  • Bloc de compétences : Les diplômes seront structurés autour de blocs de compétences, permettant une plus grande flexibilité et des passerelles entre différentes spécialisations. Cela facilitera la mobilité professionnelle et l’évolution de carrière pour les travailleurs sociaux.
  • Conséquences pour les apprenants : Les étudiants bénéficieront d’une formation plus cohérente et adaptée aux défis contemporains, comme la gestion de la diversité culturelle, l’inclusion des personnes handicapées, et la lutte contre les inégalités sociales.

Il convient néanmoins de noter que les contenus de formation actualisés ne sont pas en lien avec la réforme, ils sont des choix pédagogiques de chaque centre de formation … Ce n’est donc pas une conséquence de la prochaine réforme. Ce qui va changer c’est sans doute une structuration de la progression par bloc, et non de manière articulée sur l’ensemble de la formation.

 

Essayons de faire une analyse et de dégager des points positifs et négatifs :

Points positifs :

  • Si la réforme vise à actualiser les diplômes et à les adapter aux besoins contemporains, ce qui est essentiel pour répondre aux défis sociétaux actuels. Cette réforme vise surtout à construire les diplômes à partir des mêmes structurations pour chacun des diplômes afin de faciliter les passerelles et les allégements de formation dans le cadre de la formation tout au long de la vie ;
  • La création de blocs de compétences offre plus de flexibilité et des passerelles entre les métiers, facilitant la reconversion et la progression professionnelle. Toutefois, les blocs existent déjà, prenant la place des Domaine de Compétences, c’est la logique d’acquisition du diplôme qui change, puisqu’il faut acquérir tous les blocs pour être diplômé, là où il y avait une moyenne de deux blocs pour acquérir un DC.

Points négatifs :

  • La mise en place de cette réforme peut être complexe et coûteuse pour les établissements de formation, nécessitant des ressources supplémentaires pour l’adaptation des programmes ;
  • Il existe un risque de standardisation excessive, qui pourrait nuire à la spécificité de certaines formations et à l’identité professionnelle des travailleurs sociaux.

La raison invoquée pour procéder à ce travail de toilettage censé s’achever en 2027, est toujours la même : il s’agit de réduire les tensions sur l’emploi pesant sur ces métiers qui peinent à recruter en facilitant leur accès et en améliorant leur attractivité. « Une auxiliaire de vie doit pouvoir disposer de la capacité d’évoluer vers des fonctions d’assistante médicale ou de cadre de santé » expliquait un conseiller de Catherine Vautrin pour justifier l’initiative. Nous pouvons aussi avoir une autre illustration moins glorieuse et donc moins partagée : en EHPAD, il est nécessaire de disposer d’un quota de personnel qualifié. Du coup, les faisant-fonctions qui passeraient le bloc cœur de métier des Aides-soignants serait considéré comme qualifiés… Ils envisagent la même chose avec les TISF et les AES. Nous partons vers une déqualification, une perte de connaissance des métiers. La refonte des cadres de formation n’est pourtant pas nécessaire pour faciliter les évolutions professionnelles et les reconversions. Il suffit d’actualiser les décrets relatifs aux Diplômes d’État en reconnaissant davantage d’équivalences entre ces diplômes. Chaque Diplôme d’État dispose déjà d’un ou plusieurs blocs « cœur de métier ». Ainsi, il suffirait que seuls ces blocs soient à acquérir pour les professionnels déjà détenteurs d’un Diplôme d’État et ayant une expérience professionnelle significative qu’il s’agirait de définir. Par exemple, après dix ans en tant qu’AES, la personne pourrait bénéficier d’un allègement et d’une dispense des deux tiers de la formation d’ES. Cet objectif n’est d’ailleurs pas nouveau. La révision des diplômes figurait déjà au programme des assises du travail social de… 2012. Cela montre que la refonte n’est pas une solution efficace en raison de sa complexité et de sa lenteur. Douze ans après les assises, la situation reste inchangée. Il est nécessaire d’adopter des mesures simples et urgentes. Ce sujet a été abordé lors de la Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social en 2022 et, plus récemment, dans le Livre blanc du travail social de 2023.

  1. Et la Cour des comptes apporte son grain de sel…

Le rapport principal de la Cour des comptes consacre quelques développements à la formation des travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement social généraliste. Leur formation initiale fait par ailleurs l’objet d’un rapport complémentaire dédié.

Les magistrats financiers reprennent ainsi l’idée d’un « diplôme unique du travail social » pour les diplômes d’État d’assistant de service social (DEASS), de conseiller en économie sociale familiale (DECESF) et d’éducateur spécialisé (DEES).

Ils proposent également de renforcer, dans les référentiels de formation, les volets relatifs à la culture numérique, « aux fins d’améliorer la qualité et le suivi des actions menées au profit des bénéficiaires ».

En réponse, Marcel Jaeger, président de l’Unaforis, ne nie pas les difficultés mais entend en expliquer les origines. « Les raisons principales de cette situation ne tiennent pas à des jeux d’acteurs qui seraient animés par des intérêts particuliers de groupes, voire de corporations, faisant oublier le souci de l’intérêt général », prévient-il, ajoutant que « le problème est plus profond et ancien ».

Il revient sur « le choix historique […] fait au moment de la structuration législative de l’action sociale et médico-sociale ». La loi du 1975-534 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales avait en effet « entériné la place de la formation des travailleurs sociaux dans leur secteur à la fois d’origine et d’affectation, comme une formation professionnelle à part entière, ayant pour objectif des réponses ajustées aux besoins des personnes en difficulté ».

Alors qu’il n’en était pas ainsi dans beaucoup de pays étrangers, le législateur français a « pris le parti (et le pari) de maintenir un espace de formation autonome, en tout ou partie, vis-à-vis de l’Éducation nationale ».

Aujourd’hui, « nous en assumons les conséquences », reconnaît-il. Ce qui se traduit par « un positionnement difficile entre deux logiques, de professionnalisation et d’universitarisation, donc un problème de cohérence qui nous oblige à tenir les deux bouts de la chaîne ».

Si la Cour des comptes se garde de formuler une préconisation claire sur l’universitarisation de la formation des travailleurs sociaux, elle avance une recommandation plus nette sur les diplômes.

Elle propose en effet de créer un titre unique du travail social pour les diplômes d’État d’assistant de service social (ASS), de conseiller en économie sociale familiale (CESF) et d’éducateur spécialisé (ES).

Cette piste se traduirait « par une première année identique autour de fondamentaux du travail social avant une spécialisation à compter de la deuxième année afin de ne pas nier les spécificités de chaque métier », suggèrent les magistrats financiers.

Selon la cour, ce diplôme unique permettrait de « renforcer la lisibilité et l’attractivité de la filière dans un contexte de désaffection croissante des métiers du social se traduisant par des tensions de recrutement ».

Pour Marcel Jaeger, cette évolution qui « va plus loin que le « socle commun » qui a été retenu jusqu’à présent » nécessiterait « une concertation avec toutes les parties impliquées et notamment les partenaires sociaux ».

Allant « bien au-delà des compétences des établissements de formation en travail social », ces questions « mettent en jeu les conditions d’accès aux emplois, les conventions collectives et les statuts de la fonction publique », poursuit-il.

Quoi qu’il en soit, l’Unaforis se dit d’ores et déjà volontaire pour contribuer aux concertations qu’impliqueraient ces évolutions

  1. Analyse des blocs

Entre mise en cohérence avec la structuration en « blocs de compétences » et réforme sur le fond, plusieurs diplômes de travail social sont modifiés par de récents décrets et arrêtés (DEIS, DEAF, DETISF et DEME) parus en septembre 2024. Pour certains des diplômes concernés, les textes réglementaires actent une mise en conformité de leur structure en blocs de compétences. Ce, en application de la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. En principe, cela aurait dû être fait au plus tard en décembre 2023. Initialement, l’administration souhaitait que ce travail de toilettage soit couplé à une refonte sur le fond du contenu des diplômes, mais « le calendrier s’est un peu décalé autour de la question de la mise en conformité » en blocs. L’objectif de ce mouvement de réforme en profondeur est « d’adapter le contenu des diplômes aux évolutions sociales » et aux attentes du terrain, explique Chloé Altwegg-Boussac (déléguée générale de l’Unaforis. Il s’agit également de « redonner une visibilité aux diplômes » et « rendre un peu plus d’attractivité à ces formations », complète Sarah Delimi, chargée de mission « ingénierie de formation » à l’Unaforis. Cette réingénierie doit aussi permettre « d’envisager des passerelles entre les diplômes », indique Emmanuelle Robert (Responsable de pôle des Formations Encadrement et Management chez ARIFTS). L’idée est que les personnes « puissent se déplacer plus facilement entre les formations », dans une logique de « fluidification des parcours » pour « favoriser les mobilités et évolutions professionnelles nécessaires pour répondre à la crise de sens du/au travail, favoriser l’adaptation et les montées en compétences ». Pour cela, il va falloir « trouver les moyens d’emboîter les diplômes avec des blocs communs ». À cet effet, le DETISF et le DEME, qui ont été « pensés ensemble » dans le cadre de la réingénierie, disposent de deux blocs de compétences (BC) partagés : « Contribuer à l’accompagnement socio-éducatif dans une logique de parcours » (BC 1) et « S’inscrire dans un travail d’équipe et partenarial pour assurer la continuité des accompagnements dans une logique de parcours » (BC 3).

Cela concerne tous les métiers de diplôme d’État. Il est ainsi mis à l’étude une réorganisation de chaque diplôme à partir d’un modèle qui se veut selon ses promoteurs homogène et cohérent. Il s’agit de proposer qu’à l’avenir tous les diplômes du travail social soient construits sur la base de 4 blocs de compétence :

  • Un bloc transversal :  Il comprend des savoirs de base, des aptitudes comportementales, organisationnelles ou cognitives, et des savoirs généraux communs aux métiers ou aux situations professionnelles
  • Deux blocs communs : qui organisent les compétences communes à l’ensemble des professionnels du travail social tout en les inscrivant dans les contextes d’intervention particuliers du diplôme – métier – fonction visés. Ils sont censés correspondre au cœur des métiers de la cohésion sociale et regroupent leurs principes d’action communs
  • Un bloc spécifique : qui déploie les compétences singulières pour chaque diplôme. Ce bloc représenterait la singularité de chaque diplôme ou métier et de ses pratiques professionnelles particulières.

Certes l’ensemble peut paraître réducteur. Définir un bloc de compétence en une seule phrase peut sembler un peu court. Il faut considérer que le 4 bloc est celui qui prendra le plus de temps pour la formation, c’est-à-dire qu’il permettra de construire l’identité professionnelle de chaque métier avec une formation construite par bloc, on n’est pas dans la recherche d’une idée métier, mais bien de l’acquisition de compétences transversales et spécifiques. Sur le fond, on ne peut que voir une présentation logique et cohérente. Les blocs ne sont pas faits pour être acquis les uns après les autres, de façon mécanique, mais simultanément selon une organisation de la formation propre à chaque établissement.

Réforme à suivre, suite à la prochaine Newsletter…

Alain HOTIER – Vice-président de l’ADC en charge de la formation
avec les collaborations de David DE FARIA – Directeur InKiPit et d’une  contribution anonyme.

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