Le prochain Comité d’Orientation Stratégique de l’ADC se déroulera le 5 décembre prochain à Paris. Cette intervention s’inscrit dans une forme de continuité, entre les Journées Nationales d’Etude et de Formation (JNEF) et le projet d’animation des Régions, dans une période où l’association souhaite réaffirmer un projet fédérateur.
Sur le terrain, les acteurs de l’encadrement du travail social partagent un commun, une spécificité culturelle, relevant ainsi tous d’un « même genre professionnel, le genre managérial » (Dupuis, 2023).
Garantir le prendre soin des personnes concernées, défendre une société solidaire et inclusive passerait nécessairement par prendre soin de ceux qui prennent soin (Bosqué, 2023), de nos organisations et des acteurs qui les font vivre. C’est ainsi que les deux dernières JNEF de l’ADC ont contribué à tisser un fil cohérent et inhérent aux fonctions de direction de notre secteur. De prime abord invisible, se déclinant dans des intentions éthiques autant que politiques, il croise les ambitions partagées de l’ADC de porter une identité qui dépasse l’évidence des valeurs, de la fonction et du diplôme. C’est donc ce fil conducteur, ancré dans un idéal de participation et de démocratie, que nous vous proposons de formaliser collectivement lors du prochain COS.
Une invitation à poursuivre l’engagement collectif pris à Nîmes de « mettre en œuvre, dans nos établissements et services, des transformations, donnant corps à ce changement de notre positionnement, à donner du sens, à partager notre expertise territoriale, à construire avec les personnes concernées et les équipes », par nos « petits gestes » (Mortier, 2022).
Une invitation, relayée lors des journées de Nancy, à prendre le risque d’un projet réellement démocratique, par et au travail, en partageant un « vouloir politique » qui reconnaitrait dans nos pratiques, nos propres injonctions à la participation (Blondiaux, 2024).
Dans un contexte encore plus complexe et incertain, il conviendrait de redéfinir les contours de ce qui fonde pratiques et postures des professionnels de direction, pour garantir leur spécificité dans un secteur largement malmené et transformé par la dynamique néolibérale qui le traverse depuis plus de 20 ans.
En introduction, nous pourrions partager une rétrospective des évolutions mettant en lumière l’influence des politiques publiques sur les réformes des référentiels de formation des métiers d’encadrement et du management. L’objectif est de pouvoir rapidement partir d’un diagnostic commun des effets que nous connaissons tous aujourd’hui et auxquels les directions et la formation ont contribuées. Etape nécessaire pour s’engager véritablement dans une déconstruction d’un certain nombre d’évidences et de « bonnes » pratiques.
En 2023, à la demande de l’ANMECS, l’Université Paul Valéry (Montpellier 3) s’est associée à l’IRTS Occitanie pour mener une enquête auprès des professionnels du travail social dans un contexte de crise d’attractivité qui concerne aussi bien les professionnels de première ligne que les cadres. Il s’agissait de collecter des informations permettant d’affiner la connaissance de différents éléments affectant la perte de sens au travail et les projections dans le secteur : rester, changer… ou partir.
Plus de 600 professionnels ont répondu, nous donnant un riche panorama des motifs et explications d’un rapport complexe à l’intervention sociale, et de la volonté de continuer d’y travailler.
Entre crise du sens du travail en général et spécificités du secteur de l’action sociale, nous poserons des pistes de réflexion autour des leviers de cette quête partagée de sens et de reconnaissance.
Benoît Prévost est enseignant-chercheur en économie et sociologie économique à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, responsable depuis dix ans du Master Intervention et Développement Social. Ses travaux portent sur le développement territorial, la transition écologique et le développement social. Il est conseiller scientifique auprès de la Stratégie régionale de lutte contre la pauvreté en Occitanie depuis 2021.
Manuelle MARTI est actuellement directrice d’association de l’IRTS Occitanie – FAIRE ESS.
Cette étude nous permettrait alors d’aborder deux dimensions qui affectent nos réalités et qui nécessitent de dépasser les opinions partagées : le sens au travail et du travail. Les données de l’étude objectivent des évolutions sociales et sociétales, tout comme leurs spécificités dans notre secteur.
Le rapport au travail a changé, nous en mesurons les effets au quotidien, à travers des préoccupations en gestion et ressources humaines, continuité de service, dynamiques collectives et institutionnelles…
Réinterroger des opinions et des positions par le prisme de la recherche nous amène à questionner les leviers qui, dans nos organisations, pourraient garantir que le travail ne devienne pas un emploi (FIAT, 2022) et redéfinir le concept d’engagement au cœur de nos pratiques managériales (Brault-Moreau, 2022).
Nous avons pris l’option de présenter les éléments de cette étude au regard de trois dimensions complémentaires du sens : l’utilité, la cohérence éthique et l’épanouissement (Coutrot, Perez, 2022).
Cette approche permet ainsi d’identifier aussi les effets de la quête de sens, spécifique voire inhérente au travail social, qui se traduit dans les discours des professionnels par une volonté commune de reconnaissance, valorisation, considération, visibilité, autant de revendications partagées qui masquent pourtant des besoins et des attentes variées. Tout à la fois cohérentes et contradictoires, individuelles et collectives, identitaires et économiques, elles nécessitent d’être appréhendées comme autant de facteurs contingents dans la manière de diriger les organisations dans ce secteur en mutation : réformes de la formation professionnelle et des métiers, refonte des conventions collectives et des cadres d’emploi, logiques actuelles des politiques publiques…
La construction de la présentation ne vise qu’à reformuler et proposer une analyse de ces attentes professionnelles objectivées, porteuses de questionnements politiques et éthiques pour les équipes de direction. Ce COS aurait ainsi pour finalité d’identifier ensemble les spécificités (pratiques, compétences, postures…) des fonctions de direction et problématiser les enjeux qui permettraient d’agir par et pour le devenir du travail social.
L’étude pourrait n’être qu’un point de départ à une démarche commune, pour construire à partir d’une démarche de recherche action, des analyses permettant de sortir des incantations ou des modèles pré-pensés. Ce travail serait donc un point de départ pour initier un « tour de France » des Régions afin d’enrichir la réflexion collective et contribuer à une conception tenant compte des logiques d’acteurs, de territoires, d’institutions, de projets, de secteurs… Ce travail en commun, de définition de commun, aurait du sens à s’articuler avec les délégations formation, animation des Régions, communication, ainsi que le Comité Ethique et le Comité Politique.
Rendez-vous le 5 décembre à Paris pour en débattre !
Manuelle MARTI
Vice-Présidente en charge des Régions